mardi 23 décembre 2008

"2X3+1=7 ou l'impossibilité de nommer les choses" - Par Genéviève Schwoebel




2 X 3 +1+7 OU L’IMPOSSIBILITE DE NOMMER LES CHOSES

Chorégraphie et Interprétation :Bino Sauitzvy et Luciana Dariano

L’écriture chorégraphique de Bino Sauitzvy et de Luciana Dariano réveille des mémoires furtives. C’est de l’ordre microscopique, on se promène dans le champ de la sensation, de l’immédiateté. Furtif donc.
Une écriture qui effleure la peau, affleure au corps comme la pourpre sur les joues d’un enfant.
C’est en effet épidermique comme un grattement animal, et si on croit voir quelque chose se dessiner devant nous, c’est quelque chose d’une acoustique oubliée qui nous apparaît.
D’ailleurs la femme pousse des petits cris si aigus, si sauvages qu’on se surprend soi même
aux aguets. L’homme lui plus terrien, pousse, souffle, renâcle ou rugit, on est dans le cœur sauvage de la vie. Les gestes comme les sons poussent au corps comme de brusques saillies venues d’on ne sait où.
Cette mêlée où le corps de l’un s’expérimente à l’autre dans un jeu d’attraction- répulsion, n’a rien à voir avec le sentiment ou une quelconque psychologie.
Pas de narration pré-écrite, ni même de masochisme dont nous serions les témoins privilégiés : En face de qui s’accroche et se détache, sans jamais se libérer il y a bien une quelconque ressemblance, père, mère, fils, fille, amants, toute ressemblance avec sa propre vie est une pure coïncidence, bien malin celui qui pourra nommer ce qui n’a pas de nom !
La scène semble antérieure, plus archaïque.
Un texte s’écrit dans l’air, le mouvement s’efface si vite qu’il laisse des traînées de poudre comme le passage des pas sur une dune.
Le plateau est nu. Seulement une chaise comme un territoire à occuper…
Pas d’objets mais des vêtements qui collent au corps: Une robe à carreaux rouges pour elle, et des chaussures qui rappellent l’enfance. Lui, porte des godillots, un marcel et un pantalon à bretelles, un homme simple, démuni, un rien dérisoire.
Rien de spectaculaire donc, ni once de séduction, ils, l’homme, la femme, s’épuisent sur le plateau.
Une danse s’explore devant nous comme un théâtre du vide.
Un homme et une femme s’épuisent dans le vertige d’un tango chaotique qui n’en finit pas de swinguer entre vie et mort.
On a le sentiment d’un arrachement pris à la source, l’énergie vitale de Bino Sauitzvy et de Luciana Dariano nous transporte.

Geneviève Schwoebel

vendredi 17 octobre 2008

Atelier de Danse/théâtre "Autobiographie et autofiction"




L’association Délidemo en Cie et le Collectif des Yeux proposent des nouveaux ateliers de danse/théâtre « autobiographie et autofiction » animés par Biño SAUITZVY et Luciana DARIANO au Point Ephémère (Paris).

ATELIER DE DANSE/THEATRE « AUTOBIOGRAPHIE ET AUTOFICTION »

24 janvier - Samedi - 18h/22h
21 et 22 février - Samedi et dimanche - 14h/18h
21 mars - Samedi - 14h/18h
11 avril - Samedi - 14h/18h
23 mai - Samedi - 18h/22h
27 juin - Samedi - 14h/18h

au Point Ephémère 186-200, quai de Valmy - Paris 10ème (M° Jaurès)


Le performer est celui qui parle et agit à la première personne (tant comme artiste que comme individu), au contraire de l’acteur qui incarne un personnage. Le performer est alors celui que effectue une mise en scène de soi-même. La performance met donc en relief la signature personnelle de l’artiste, construite ici à partir de l’utilisation de la mythologie personnelle du performer.

Les stages sont destinés à toute personne ayant un intérêt pour le travail physique à travers le training comme outil et technique corporelle pour la création.

Les ateliers danse/théâtre « De l’autobiographie à l’autofiction » proposent la création d’autoportraits dansés, de corps en mouvement, à travers l’utilisation des techniques du théâtre gestuel, de la danse, do butô et du cirque.

« Trouver d’autres possibilités d’existence dehors du corps programmé » Gilles Deleuze

Biño Sauitzvy est metteur en scène, comédien et danseur, ayant passé par le buto, le mime et le cirque. Luciana Dariano est danseuse de formation classique et contemporaine. Ils travaillent ensemble depuis 2000, au Brésil, et en 2005 ils créent, avec d’autres artistes, Le Collectif des Yeux à Paris.

Renseignements et inscritptions :
collectifdesyeux@yahoo.fr

Le tarif est de 30 euros par stage + une adhésion de 5 euros à l’association délidemo en cie (valable 1 an).

Le nombre de participants étant limité, il est préférable de nous faire part au plus vite de votre souhait de participer aux stages (par mail à l’adresse suivante : collectifdesyeux@yahoo.fr ) et de valider votre inscription par l’envoi d’un chèque d’arrhes de 15 euros à l’ordre de l’association délidemo en cie (par courrier c/o Collectif des Yeux – 65, av Charles de Gaulle 92200 Neuilly sur Seine)

Au plaisir de vous y retrouver !
Le Collectif des Yeux / La Cie Délidemo en Cie

vendredi 8 août 2008

T1 (A+B)












T1 (A+B)
Vidéo Danse

"T1(A+B), inspirée des formules mathématiques de Beckett, est une trajectoire et une tentative échouées, ratées. Deux femmes, A et B, issues de l'imaginaire beckettien, essayent de réaliser une action: traverser une ligne droite, aller d'un point à l'autre. Mais vivre est dangereux, et même la tâche la plus simple devient impossible de réaliser."

Chorégraphie et mise en scène: Biño Sauitzvy
Interprétation et création: Luciana Dariano et Fabiola Biasoli
Durée: 8'38"
Bande Sonore: Magali Gaudou
Images: Christophe Rivoiron et Renaud Ducoing
Montagem: Christophe Rivoiron
Photo: Sylvain Joseph
www.sylvainjoseph.com
Enregistrée au Point Ephémère
Paris, juillet 2008
www.rivprod.com

mardi 15 juillet 2008

2x3+1=7 ou l'impossibilité de nommer les choses

















"2x3+1=7 ou l'impossibilité de nommer les choses"
Performance de Danse/théâtre
Choregraphie et performance: Biño Sauitzvy et Luciana Dariano
Durée: 45 min
Point Ephémère, juillet 2008
Photos: Sylvain Joseph
www.sylvainjoseph.com

lundi 14 juillet 2008

Collectif des Yeux au Point Ephémère



Le collectif des yeux


a le plaisir de vous inviter aux Répétitions publiques



de H to H


et 2x3+1=7 ou « l’impossibilité de nommer les choses »


de Biño Sauitzvy




le vendredi 4 et le samedi 5 juillet à 19H


au studio de danse du Point Ephémère


dans le cadre de sa résidence.




Bino Sauitzvy met en scène les mythologies du performer.


Il puise dans les références du rock, de l'histoire de la danse, et de la littérature.


Puis par un travail d'agencement, de décalage et de croisement, il crée des performances autobiographiques, donnant, ainsi, la parole aux empreintes laissées par les mythologies contemporaines dans le corps des danseurs."








Point Ephémère

200 quai de Valmy

75010 Paris

Entrée au bord du canal

M° Jaurès ou Louis Blanc

Réservation au 01 40 34 02 48



Collectif des Yeux


65, Av Charles de Gaule


92200 Neuilly sur Seine


Tel : 0627680252


www.collectifdesyeux.blogspot.com


collectifdesyeux@...





H to H


Chorégraphe et performer: Biño Sauitzvy


participation : Thomas Laroppe


durée : 60min


04 juillet 19h


H to H est le phonème en français des mots du titre de la chanson de David Bowie :« Ashes to ashes », des cendres aux cendres, mourir pour renaître.


Le sens premier est retenu, mais caché derrière le deuxième sens : le H de l’hommage et le H de l’héritage. Un hommage à Pina Bausch, La Ribot, Susanne Linke, Kafka, Beckett, Deleuze, Cindy Sherman entre autres, comme des formateurs et porteurs d’un discours qui devient, par emprunt, celui du performer. Le projet était de rendre hommage à ceux qui ont fait de leurs discours une traduction de « leur moi » personnel, du quels le performer est l’héritier. On n’emprunte que ce qui est déjà « empreinte » en nous.



Avec le soutien de FSDIE – Université Paris 8 Vincennes – Saint Denis


*



2x3+1=7 ou « l’impossibilité de nommer les choses »

Chorégraphie et interprétation : Biño Sauitzvy et Luciana Dariano.

Durée : 60min

05 juillet 19h


Ce duo est la suite d’un processus initié par les solos La Divina et H to H. Ici, c’est la rencontre de deux univers qui fait l’objet de la recherche. Ce travail se construit comme des allers et retours entre, ce qui est pensé, ce qui existe dans un imaginaire personnel, et entre ce qui est trouvé dans la réalité toute prête, ce qui nous est donné dans les conditions de vie et de création. Le processus de construction du travail utilise le fragment en tant que forme autonome, qui peut se transformer, être assemblé de diverses manières, et ainsi, être et exister autrement.



*



Après chaque performance, il y aura une projection des vidéos/performances de rencontres/collaboration entre la plasticienne Lika Guillemot et Biño Sauitzvy.


Pendant ces deux jours, Lika Guillemot exposera aussi son œuvre plastique : le « Matrimoine ».



Le Collectif des Yeux a pour objectif et fonction de créer un espace de production interdisciplinaire, une transversalité entre les arts, de rendre possible la création individuelle dans une optique de l’art contemporain. Ainsi, de construire, à partir de l’existence de plusieurs individualités, de leur collaboration et de l’art comme une nécessité, un collectif créatif et productif.



Biño Sauitzvy a commencé son parcours comme acteur en 1994 à Porto Alegre. Ensuite, il a dirigé le groupe «Sotão» pendant 5 ans pour lequel il a mis en scène la Trilogie Sam à partir de l’univers de Samuel Beckett. Pour ce travail, il a reçu le prix Açorianos de Porto Alegre du Meilleur metteur en scène. Avec le spectacle de danse théâtre Grand Genet : Nossa senhora das flores, inspiré de l’univers de Jean Genet il a reçu les prix de meilleur spectacle de danse et de la meilleure chorégraphie. À Paris depuis 2003, sa recherche porte sur le théâtre physique lié à la danse, à l’acrobatie et au mime. Il réalise les solos La Divina et H to H. En 2005 il crée le collectif des yeux, actuellement il développe sa recherche à l’université Paris 8 : « la Performance Autobiographique et la Mythologie Personnelle du Performer ».



Lika Guillemot travaille sur le « matrimoine », terme qui se présente comme un jeu de mot à partir du patrimoine et détermine l’héritage des femmes. Il semble définir cette part d’héritage liée à la mère, à sa transmission et aux activités dites féminines. Il touche un univers quasi-impalpable de l’ordre du sous-entendu, du dessous car cette transmission paraît être complexe, secrète, voir cachée, ou à double sens.


Tout se joue entre les notions de femme, de demeure et de mémoire, dans un ensemble rouge, noir et blanc.


La poche, la demeure et le corps :


Mon corps veut muer. Il est à l’étroit dans cette enveloppe corporelle. Je ne peux la déboutonner, le libérer. Je tente de créer une peau plus vaste pouvant contenir ce corps en pleine métamorphose. Je trouve un fil et commence l’ouvrage. Chaque jour, la peau prend corps et devient Cabane, Robe, Chrysalide. Ces tanières deviennent des parois protectrices, à l’intérieur desquelles la mutation peut s’opérer.

mercredi 7 mai 2008

ENTERREMENT DE VIE




Enterrement de vie

Réalisation et Montage : Lika GUILLEMOT
Performer : Biño SAUITZVY
Photos : Lika GUILLEMOT
Images : Christian COLOMBEL
Durée vidéo : 9 min
2008


Comment mettre fin à l’interprétation d’un personnage qui semble nous coller à la peau ? Comment se défaire de cette peau et faire « peau neuve » ? Un enterrement de vie est la première note d’une phase nouvelle. Il est le quatrième court métrage d’une collaboration entre la plasticienne Lika GUILLEMOT et le performer Biño SAUITZVY, à travers lequel nous assistons à la disparition du personnage la Divina [1].Personnage mystérieux jouant sur des codes à la fois féminins et masculins, s’appropriant des attitudes en déséquilibre par rapport à son image, nos repères se trouvent bouleversés. Le spectateur est plongé dans une existence qu’il ne connaît pas et tente de déceler des bribes de réponses pouvant l’aiguiller. Mais l’ensemble reste énigmatique et la Divina garde son secret bien gardé. Les images quant à elles restent et résonnent.


[1] Performance de danse/théâtre crée par Biño Sauitzvy et Nando Messias et inspirée du personnage Divine de "Notre Damme des Fleurs" de Jean Genet. Premier volet de la série de performances sur la Mythologie Personnelle du Performer.


lundi 3 mars 2008

"In My Shoes"



"In My Shoes"

Performance danse/théâtre. Premier volet de la trilogie de la recherche en doctorat à Londres/Angleterre de Nando Messias, “In My Shoes” a été construit à partir d’une investigation sur les symboles du féminin.
Le concept du « féminin », ici, est exploré à partir de l’idée suggérée par l’anthropologue français Pierre Bourdieu dans laquelle l’espace social féminin est un lieu restreint et claustré.
Deux éléments de l’univers féminin sont utilisés, le talon et le corselet, comme des contraintes pour augmenter l’instabilité sur le corps du performer. Le talon et le corselet, en plus d’être des instruments de claustre, sont aussi des transformateurs du corps/matériau du performer et fait un passage du corps masculin biologique au corps féminin fictif (la ceinture féminine plus fine en contraste avec la poitrine et le basin masculins plus larges lors de l’utilisation du corselet).
Le concept de « transgenre » (transgender) est utilisé comme une possibilité de dépassement, d’identification « trans », au-delà du masculin et du féminin, et ainsi donner lieu à la possibilité d’un « troisième espace », entre le mâle et la femelle.


Performance: Nando Messias
Mise en scène et chorégraphie: Nando Messias et Biño Sauitzvy
Costume: Nando Messias
Musique: "Hernando's Hideaway", Jonny Ray; "Smack My Bitch Up", The Prodigy; "Make Up", Lou Reed; "Ne me quitte pas", Maysa Matarazzo; "Gay Messiah", Rufus Wainwright.

mercredi 23 janvier 2008

"Queer Copi ou Copi queer"



Par Antony Hickling

COPI

Le mot « Queer » provient du langage de la rue et qualifie de manière désobligeante, insultante et dégradante l’homosexuel.

Cependant, comme l’indique Marie-Hélène Bourcier[1], « donner une définition du terme « Queer » est difficile. Le réflexe a récemment été pris de consulter le dictionnaire français, anglais pour y constater que « Queer » a pu vouloir dire quelque chose comme « sale pédé » et par extension « bizarre, étrange ». Mais que l’incroyable violence du propos est difficilement restituable en français. »


En 2004, j’ai mis en scène une pièce de Copi, « L’homosexuel, ou la difficulté de s’exprimer ». C’est cette dernière qui m’a poussé à entrer dans sa vie. J’ai été appréhendé par son mécontentement, ainsi que découvert son obscurité, son angoisse et son penchant sadomasochiste.

Ses écrits, aux sujets condamnables pour une société bien pensante, prennent inévitablement leur essence dans son mal-être, ses peurs, dans les oppressions subies et dans son espoir de justice et d’égalité. Son œuvre s’inspire de sa sexualité, et sa sexualité s’exprime par son œuvre. Mais alors Copi doit-il être considéré comme un auteur « Queer » ?


La performance « Queer Copi ou Copi Queer ?»

Une danseuse égyptienne qui danse tandis qu’un homme habillé en costard fait la cuisine. L’odeur de l’œuf et du saucisson accompagne la musique orientale et l’image de la femme sensuelle que danse pour le public. A la fin, le repas est offert pour un spectateur.
Une cassette enregistrée qui offre des confessions intimes devenues publiques lorsque quelqu’un s’habille en femme.
La scène est confondue avec l’audience, le quotidien et l’illusion du théâtre ne font qu’un seul corps. Le privé devient public et la performance n’est plus protégée par la convention du théâtre.
Je meurs. À cet instant, un danseur travesti en femme, arrivant du fond de la salle, permet de surprendre le spectateur, tout en le confrontant à sa propre sexualité et son propre questionnement. Suis-je vraiment mort ? Est-on dans un rêve ?
Le danseur est peut-être aussi le symbole d’un ange salvateur. Mais dès que je me réveille ou que je ressuscite, il disparaît.
Entre réalité et imaginaire, peut-être que je me plonge dans un profond sommeil.
À la fin de cette danse érotique décalée, il m’embrasse sur le front. Avant même que j’aie le temps de me réveiller, il est, encore une fois, disparu.
Mais on ne sait toujours pas qui il est. Un ange ? La deuxième chance que peut m’offrir la vie ? Comme dans l’univers de Copi, tout est fait pour que l’on puisse jongler avec le réel et l’imaginaire.
La performance s’arrête brutalement. Elle finit là où elle a commencé, à la même place. Il n’y a donc peut-être ni début ni fin. Avons-nous rêvé ? Mais alors qu’est-ce que c’étaient ces confessions ? Qui était ce personnage ? Leur imaginaire ? Leur inconscient ?


Pourquoi ?

Les motivations qui m’ont poussé à choisir le format contemporain de « la performance » se retrouvent dans son caractère expérimental, inachevé, toujours en évolution en fonction des connaissances et de la maturité. « La performance » est sans règle, sans frontière. Elle répond aux exigences de créativité, loin des obligations et des règles du théâtre classique et traditionnel.

À ce stade, la forme étant définitivement admise, j’ai dû choisir précisément certains thèmes « Queer » abordés dans l’œuvre de Copi. J’ai trouvé que les thématiques de la mort, du SIDA, de la sexualité, de l’absurde, de l’aveu et de la honte étaient les plus représentatifs. À ces thèmes, j’ai voulu associer les expériences personnelles. Cet aspect personnel et autobiographique m’ouvrait la porte d’une interactivité avec les spectateurs, mais aussi celle du jeu entre l’imaginaire et le réel, cette dualité se retrouvant souvent chez les artistes « Queer » Genet, Cocteau, Derek Jarman….

Cette astuce me permet de souligner la complexité de toute sexualité.
Pendant la première partie, personne ne peut se douter qu’en dessous de mes habits se trouve un autre costume, une autre personnalité avec ses contradictions et ses sexualités.
Face au personnage, l’audience se crée ses premiers jugements. Mais avec le changement et la féminité dévoilée, les spectateurs sont amenés vers d’autres conclusions. Ils découvrent un nouvel aspect, et peut-être pas le seul, de la sexualité du personnage.

On est conduit sur les chemins de la superposition, de la confusion des vies. On ne découvre pas immédiatement les sexualités enfouies et cachées. Elles apparaissent en provoquant un effet de trouble et de surprise.
Cette mise en scène est aussi là pour déstabiliser les spectateurs, mais surtout pour aller au-delà des conventions du théâtre.
Ces éléments de rupture des règles et de déstabilisation sont tout à fait des paramètres d’une créativité « Queer ».
Mon art n’est ni complet ni fini. Il s’agit d’un travail en évolution, cru et en pleine recherche.

Mise en scène, création et performance :
Antony Hickling
Participation sur scène :
Biño Sauitzvy, Magali Gaudou et Nadège Dorion






[1] Bourcier Marie-Hélène « Queer Zones : politiques des identités sexuelles, des représentation et des savoirs», édition Ballard, 2001, page 177

jeudi 3 janvier 2008

Un Chantier de Transformateurs ou l'écart comme processus de transformation artistique




"Cahier de Poétique n° 13", CICEP édition, Université Paris VIII



Un Chantier de Transformateurs ou
l’écart comme processus de transformation artistique



Par Geneviève Schwoebel



Le 6 avril 2007 j’ai proposé dans le cadre des séminaires du
CICEP l’idée d’ « Un chantier de transformateurs » dont l’invité
principal était Daniel Danetis, Professeur à l’UFR ARTS de Paris
8 en arts plastiques. Nous nous étions mis d’accord pour tenter
de confronter nos expériences en arts plastiques et en théâtre
à travers les expérimentations de certains de nos étudiants de
Master2. Volontairement j’ai proposé ce mot de transformateur
par allusion à cette expérience que Daniel Danetis avait faite
dans l’espace public à Bagneux sur les murs des transformateurs
EDF, expérience de peintures murales exécutées par un groupe
pluridisciplinaire d’étudiants de Paris8 en 2006, en liaison avec
les habitants et la collaboration de certains artistes. Ce mot
de transformateur me convenait tout à fait pour raconter les
nouvelles connexions et situations qui s’effectuent aujourd’hui
entre artistes de tout bord et le spectacle vivant, le mot de performeur
restant souvent incertain pour désigner cette alchimie
poétique qui se produit dans la rencontre et dans le partage des
pratiques entre elles. Aurélie Guillemot et Bino Sauitzvy se sont
prêtés au jeu de cette confrontation tout au long de l’année, il en
est sorti un croisement fécond qui à certaines phases du travail
ressemblait à une hybridation des deux constituants comme s’il
fallait garder l’écart dans le jeu de la fabrication avant de se
réapproprier chacun à son tour son propre parcours. Aurélie
Guillemot dite Lika est plasticienne, Bino Sauitzvy est acteur
/metteur en scène, danseur/ circassien.



Geneviève Schwoebel : Aujourd’hui, vous arrivez au terme
des processus de votre rencontre dont nous avons déjà eu quelques
aperçus visuels sous forme de vidéos, performances, photos,
pourriez vous témoigner des différents moments de cette fabrication?



Lika (Aurélie Guillemot) : Dans la rencontre avec Bino Sauitzvy,
je comptais au début simplement le filmer en train de danser
mais très vite l’envie comme on dit communément d’y mettre
son grain de sel, a fait que ça a fabriqué cet objet : Attaches-peaux,
une vidéo qui atteste d’un jeu avec le pli, le dépliement,
l’empilement des couches et des enveloppes du corps, les peaux et ses retournements, ses envers, toute une fouille que je n’avais pas imaginée. Avant je travaillais avec un
seul fi l qui me servait de corps architectural. L’an passé, dans
le cadre du Printemps des poètes à Paris8, j’ai fait l’installation
Fil d’air qui se tenait dans le couloir transparent qui mène de la
bibliothèque au bâtiment B, c’était dans un lieu de passage.
Au fond de moi-même je désirais, sans trop savoir par où passer,
engager quelque chose de plus de mon corps, inventer un
lieu où le spectateur pourrait davantage pénétrer, trouver en
quelque sorte un mode d’imprégnation. La rencontre avec Bino
a donc stimulé cette envie intérieure et facilité chez moi ce qui
était entravé, le corps, là où pour lui c’était son instrument.
L’idée m’est donc venue cette année de fabriquer quelque chose
autour de l’hibernation entre l’habit et l’abri…Je commençais
un tricot rouge (rouge comme le fi l de laine que j’avais utilisé
l’an passé dans l’exposition) je commençais le 22 décembre
2006 et je décidais de faire un carré par jour sur la période
d’hiver. Parallèlement Bino inaugurait pour la première fois sur
un plateau de théâtre à Paris8 (amphi4), à la même date, les
premières expériences de H to H. Je tricotais donc chaque jour
n’importe où, dans les cafés, dans le métro ou chez moi, seule,
ou avec d’autres, un carré rouge.



Geneviève Schwoebel : Ça ressemble à une tâche quotidienne.
Jean Luc Godard disait « Peut être qu’après tout, en Art, il suffit
d’accomplir ses tâches ». Est-ce que c’est une idée comme ça qui
vous motive ?



Lika : La tâche quotidienne pour moi, c’est d’éviter le non
travail de la grande chose que tu ne fais pas. En même temps le
Grand OEuvre, c’est ce qui dépasse mon corps.



G. S. : Faire descendre l’oeuvre de son piédestal ?



Lika : Faire plutôt la petite chose chaque jour.



G.S : Dans ce cas là, où est l’écart avec l’art ? Si la tâche est un
rituel quotidien, fi nalement comme une tâche ménagère, qu’est
ce qui le différencie ?


Lika : La contrainte, les règles : 1 carré par jour/ 1photo par
jour/ 1 petit texte comme un journal de bord. Et aussi le fait que
se met en place une figure finale.



G.S : Ça me rappelle le peindre Opalka, qui, avant chaque
tableau, se photographie tous les jours comme s’il prenait à chaque
fois la mesure de l’oeuvre en même temps que celle du temps
et de son vieillissement et ce, jusqu’à sa mort.



Lika : Moi, je ne parcours que deux saisons. Pour la performance
de Printemps, je travaille sur des petits rectangles de
broderie dans lesquels j’insère des phrases.



G.S : J’en vois une en effet : « Ne pas parler politique en famille» ou bien ici : « rien n’est grave» (rires) Vous commencez donc par le tout petit ?



Lika : Le fragment prend sa dimension d’unité quand les
fragments se rejoignent : Je vais du petit au monumental.



G.S : Le fragment n’est donc pas l’oeuvre ?



Lika : Si mais ça dépend comment on le présente, si c’est dans
un ensemble ou en tant que tel, dans un espace ou dans un jeu
avec d’autres formats.



G.S : Revenons à cette idée de tricot et d’hibernation. Comment est née cette histoire de cabane à habiter, une cabane à taille humaine, une sorte d’enveloppe, de seconde peau ?
J’ai été très intéressée par une série de photos que vous avez faites, où, littéralement un mètre est posé sur un drap au sol, et tour à tour vous semblez mesurer votre corps dans des postures
et configurations multiples dans la limite du rectangle qui vous est imparti. Comment vous est venue cette idée ?



Bino Sauitzvy : comme une séance de travail au théâtre, sous forme d’improvisation. C’est Lika qui a posé la contrainte puisque j’étais sur son territoire, et j’ai joué avec. Elle a fabriqué un carré parfait à sa taille : 1 m 73 selon les lois des proportions de Leonard de Vinci. On s’est aperçu qu’on avait la même taille, c’était déjà un hasard intéressant ; la taille devenait le format. Chacun à son tour, s’est amusé alors à habiter l’espace avec son corps.



G.S : En effet on voit Bino se recroqueviller, se détendre
comme un chat, jouer avec toutes les élasticités possibles. Lika
à son tour, balance d’un coup son corps sur la ligne-frontière
(le fameux mètre au centre du carré blanc) et elle déjoue par ce
mouvement la limite imposée par elle-même. Plus tard en fi n de
saison, ce carré blanc est remplacé par le rouge de l’ensemble des
petits carrés de tricot et commence une nouvelle performance où,
en accéléré, on voit des mains déposer à toute allure des objetsaccessoires
du corps, que s’est-il passé entre temps ?



B.S. : En croisant nos deux univers, le corps s’est comme
contaminé. Lika se meut dans un univers enfantin, moi plutôt
tragique, je joue avec la chute, le danger, le risque constant, le
handicap.



G.S : C’est vrai que dans H to H, c’est parfois à la limite de
l’insupportable. En te voyant tomber ainsi à répétitions, je pensais
toujours à la phrase de Kafka : « Il y a comme un fi l tendu au sol qui est là, semble-t-il, pour nous faire trébucher ». Cependant lors d’une séance de spectacle « Au Regard du Cygne » à Paris, le public n’a pas cessé de rire.



B.S. : Il y avait des handicapés et beaucoup d’enfants ce soir
là. Avec Lika nous devions nous rejoindre à mi chemin, entre cet
humour là et l’abîme. Je devais pour la performance finale, naître
dans cette cabane puisqu’elle voulait qu’il y ait un corps, il y avait
donc un risque. Je ne savais pas comment j’allais y arriver, comment
j’allais sortir, le carré était cousu, il fallait rompre le fil.



G.S : Oui, c’est magnifi que cette fin, et totalement inattendu.
Je vous avais lancé, il y a plusieurs mois sur le terrain dangereux
du masculin/ féminin, écarts et frontières, ici, ça se fait littéralement
devant nous.



Lika : Pour cette performance, on a commencé à déposer
sur le carré rouge des objets accessoires du masculin /féminin,
apportés par chacun: collants, perruque, chaussures, passeport,
faux ongles, gaine, de façon aléatoire.



G.S : On voit à vue « le corps-cabane » se métamorphoser, un
corps étrange, hybride, mi-masculin / mi-féminin : Une femme
aux cheveux noirs apparaît, elle porte des talons hauts, c’est un
troisième corps qui naît… Comment avez vous fait pour capturer
le moment de ce processus de travail ?



Lika et B.S : Nous avons dû inventer un troisième oeil, le retardataire
en photo qui permet de s’auto-photographier. De même,
on peut dire que la vidéo a été l’élément transitionnel qui nous a
permis de faire cette expérience de confrontation. Lika a appris
le montage ; la video-art est devenue un nouveau support de
travail qu’on intégrera dans le dispositif final.



G.S : En regardant vos parcours réciproques, je pensais qu’en
fait l’écart pré-existait par vos pratiques initiales, du moins elles
prédisposent à la rencontre et à la capacité de s’ouvrir à la
transformation. Souvent on se demande ce que c’est qu’un plasticien,
qu’est ce qu’il fait au juste ? Quel est son matériau ? Sa
pratique d’origine : peinture, sculpture, dessin ? Quel est son
apprentissage ? Idem pour le Performeur ? Est-ce un acteur, un
danseur ? Un homme de cirque ? Ces formations multiples sont
en elles-mêmes, déjà des déplacements artistiques.Est-ce que ce
processus de l’écart n’est pas déjà à l’oeuvre dans vos pratiques et
permet de générer tout simplement ces interactions ?



B.S. : Pour moi être performeur, c’est précisément ce non endroit,
ce nulle part qui autorise ce champ d’ouverture esthétique.
Tu n’es plus cadré. La performance passe par la négation, on ré- invente
avec les ingrédients qu’on a; c’est pourquoi l’autobiographie
est devenue comme en arts plastiques, une nécessité pour fabriquer
sa mémoire, ses propres inventaires, se constituer des archives, partir
de ses affects mais aussi des techniques dont on dispose.
Michel Foucault et Gilles Deleuze parlent de l’art comme moteur
de transformation du vivre. L’homme ne cesse de se ré-inventer
à travers l’art et le vivre. L’art serait donc l’écart, le générateur
indispensable qui permettrait ces nouvelles expériences.
On pourrait « possibiliser » la vie autrement.



G.S : On entend bien le mot, grâce à la langue étrangère de
« potentiel d’énergie », de capacité à « rendre possible », l’écart
comme lieu des potentialités énergétiques, ça renvoie bien à cette
idée première du transformateur électrique, un générateur de
transformations à l’oeuvre.



B.S. : Oui mais cette énergie ne se fait pas sans intercesseurs
comme le dit G. Deleuze. Dans le processus créatif il y a une part instinctive, il faut qu’on
puisse partager son univers avec quelqu’un, qu’on puisse créditer
son écoute, son regard. En art on part souvent d’un processus
informel où on ne peut prévoir les choses, c’est là que chacun
devient l’intercesseur 1 de l’autre. Si on n’a pas d’intercesseurs il
faut les fabriquer.
C’est pourquoi la rencontre est si importante parce qu’elle va
créer de nouveaux chemins, de nouvelles combinatoires.
L’opportunité de croiser quelqu’un comme dans le cas de l’invitation,
pour nous master2, de participer à l’expérience des
Fictions Expérimentales 2 de l’atelier, en particulier pour moi, à
un moment où j’allais cesser de poursuivre mes études, a permis
de créer des nouveaux agencements et de nouvelles connexions
dans mon travail.



G.S : L’idée de transformateurs est liée effectivement à la création
d’ensembles ; de nouvelles séries se font entre plusieurs personnes.
Des interactions se fabriquent à travers l’espace partagé.
Quand on est chacun dans un domaine, on capture les choses de
l’autre en les ramenant dans son univers et en les transformant,
on les relance dans le pot commun. C’est le contraire du vol du
prédateur, c’est une danse à plusieurs. Dans cette confrontation,
dans ce désir de faire ensemble il y a bien sûr une perte d’identité,
née de ces espacements, de ces territoires inconnus entre les pratiques
et l’histoire de chacun mais c’est dans les jeux de cet écart
que se fabrique un devenir.



B.S. : C’est un processus de dépersonnalisation, de perte de
l’ego. On se défait pour construire une nouvelle chose. On saisit
l’outil de l’autre, on le transforme et en le multipliant, on invente
une nouvelle possibilité d’existence.



G.S : La création se propage et la joie avec, comme si selon
l’esprit de Bergson, on ravivait l’élan vital, la mémoire brute de
la vie.



NOTES
1. Pourparlers de G. Deleuze, éd.Minuit.2
2. Fictions Expérimentales par l’atelier : Installation/Evénement/Performance
dirigé par G.Schwoebel, Printemps des poètes 2007.