samedi 29 décembre 2007

vendredi 28 décembre 2007

Actualité : (Passé / Présent / Future)

Biño Sauitzvy / Photo: "H to H" www.rybnik.com.pl/fotogaleria,teatr,fot1-3.html.

Actualité : (Passé / Présent / Future)
Juin 2010:
- Atelier Danse/théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 13 juin
- "Innommables n°2" - Poétiques de Printemps Université Paris 8 - Cartoucherie de Vincennes
- Portes Ouvertes Ateliers Ginkgo - Troyes - Exposition de Lika Guillemot
Mai 2010:
- Atelier Danse/théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 16 mai
- "En Mutation" - Exposition de Lika Guillemot / Performance de Biño Sauitzvy - Parcours d'Artistes - Bruxelles
- "H to H" - Galerie 10/12 - Performance/Installation - Bruxelles
Avril 2010:
- Atelier Danse/théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 04 avril
- "Innommables n°2" - Yono Bar - Paris
Mars 2010:
- 2X3+1=7 ou l'impossibilité de nommer les choses - Théâtre de la Girandole, Montreuil
- Atelier Danse/théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 07 mars
- "La Divina" - Festival Dance Box / Version Clip - Centre Culturel Bertin Poirée - Paris
Février 2010:
- Atelier Danse/théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 21 février
Janvier 2010:
- Atelier Danse/théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 10 janvier
Décembre 2009:
- Atelier Danse/théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 20 déc
- T1(A+B) - Petites Scènes Ouvertes, Grenoble
Novembre 2009:
- Festival A Pas de Corps, Montreuil - Innommables n°1, Innommables n°2, H to H, La Divina
- Atelier Danse/théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 29 nov
- H to H - Varsovie, Pologne
Octobre 2009:
- Nuit Blanche, Saint Denis - Innommables n°1, Installation de Lika Guillemot et Femmes Assises de Genéviève Schwoebel
- Sissy! de Nando Messias et Biño Sauitzvy - Londres
- Atelier Danse/théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 04 oct
- Innommables n°1 et Installation de Lika Guillemot - Festival 10/10 - Convent des Recolets
Septembre 2009:
- Atelier Danse-théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 06 sept.
Juin 2009:
- Atelier Danse-théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 27 juin
Mai 2009:
- Atelier Danse-théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 23 mai
- Innommables n°1 - Festival Interculturel CIVD - Université Paris 8 Saint Denis
- Innommables n°2 - Ouvertures publiques - Point Ephémère, Paris
- Résidence de création au Point Ephémère, Paris
- T1(A+B) - 40 ans de Paris 8 au Théâtre Epée de Bois - Cartoucherie de Vincennes
- H to H - 40 Ans de Paris 8 au Théâtre Epée de Bois - Cartoucherie de Vincennes
- 2X3+1=7 - 40 Ans de Paris 8 au Théâtre Epée de Bois - Cartoucherie de Vincennes
- "Cocons & Co" -Exposition de Lika Guillemot - 40 Ans de Paris 8 au Théâtre Epée de Bois - Cartoucherie de Vincennes
Avril 2009:
- Atelier Danse-théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 11 avril
Mars 2009:
- T1 (A+B) - Festival Danse Box - Centre Culturel Bertin Poirée, Paris
- Atelier Danse-théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 21 mars
Février 2009:
- Atelier Danse-théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 21 et 22 février
Janvier 2009:
- "T1(A+B) - Les Quatrièmes Rencontres Internationales du Cinéma de Patrimoine - Vincennes, le 31 janvier
- Atelier Danse-théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 24 janvier
Décembre 2008:
- Atelier Danse-théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 21 décembre
Novembre 2008:
- "T1 (A+B) - Festival A Pas de Corps - Théâtre de la Girandole - Montreuil
- Atelier Danse-théâtre "Autobiographie/autofiction" au Point Ephémère, le 09 novembre
Septembre 2008:
- "H to H" et "2x3+1=7" au Point Ephémère - Paris
Juillet 2008:
- Résidence au Point Ephémère, Paris
- "H to H" et "2x3+1=7" au Point Ephémère - Paris
Mai 2008:
- "La Divina" - Bristotheque - Londres
- "H to H" - Festival Koreografskeminijature - Belgrade, Sérbie.
- Atelier de Théâtre de Matériau dirigé par Genéviève Schwoebel au 11eme Iran International Festival of University Theater - Tehera/Iran
- "Enterrement de Vie" - Festival Silence On Court! - Nanterre - France
Avril 2008:
- "H to H" - Vidéo/performance de Lika Guillemot et Biño Sauitzvy au 53ème édition du Salon d'art contemporain de Montrouge (Avril/mai 2008)
- "La Divina"- Bistrotheque, 23-27 Wadeson Street, E2 9DR, Londres
- Atelier "Performance Physique Autobiographie/Autofiction", animé par Biño Sauitzvy - La Petite Rockette - Paris
- "Enterrement de Vie" - Vidéo Performance de Lika Guillemot et Biño Sauitzvy
Mars 2008:
-"H to H" et "2x3+1=7" - Festival Dance Box 08 + Version Clip au Centre Culturel Bertin Poirée - Paris
Novembre 2007:
- "Crumbs!" - Bistrotheque, 23-27, Wadeson Street, E2 9DR, Londres

Septembre 2007:

- « La Divina » et « H to H » - Festival Internacional de Théâtre Poa em Cena – Porto Alegre – Brésil
- “La Divina” et “H to H” – Festival Internacional de Théâtre de Caxias do Sul – Caxias do Sul – Brésil
- « Crumbs ! » - Festival de Performance – The Central School of Speech and Drama/University of London – Londres – Anglaterre
- "Crumbs!" - Bistrotheque, 23-27, Wadeson Street, E2 9DR, Londres
- “Le Matrimoine”, de Lika – Exposition des travaux de recherches sur “le matrimoine, poche, corps et demeure”, à Ivry-sur-seine à l’occasion des portes ouvertes des ateliers d’artistes.


Juin 2007:

– « H to H » - 13eme Festival A Part – Katowice – Pologne
– “H to H” – “Nocne Prowokacje” – Théâtre Ziemi Rybnickiej – Rybnik – Pologne
– « H to H » et « 2x3+1=7 » - Spectacles Sauvages – Studio Le Regard du Cygne – Paris


Mai 2007:

– « H to H » et « 2x3+1=7 » - Spectacles Sauvages – Studio Le Regard du Cygne – Paris


Avril 2007:

– « Attaches-Peaux » - Séminaires du CICEP – « Un chantier des transformateurs » - Université Paris 8


Mars 2007:

– « H to H » - Printemps des Poètes – Université Paris 8


Septembre 2006:

- « La Divina » - Akteon Théâtre – Paris
- "In My Shoes" - Embassy Studio, Eton Avenue, Swiss Cottage, NW3 3HY, Londres


Mai 2006:

- « La Divina » - Festival du Geste – Akteon Théâtre – Paris


Janvier 2006:

- « La Divina » et « Copi Queer » - Scènes Ouvertes au 17eme Parallèle – Paris


Octobre 2005:

- « La Divina » - Prix Pinokio – International Mime Square Festival – Aarschot – Belgique


Mars 2005:

- « La Divina » et « Copi Queer » - Printemps des Poètes – Université Paris 8

jeudi 27 décembre 2007

CRUMBS!

Nando Messias / Photo: Darrell Berry













Nando Messias / photo: Darrel Berry



Crumbs!
Created and Performed by Nando Messias
Collaboration with Biño Sauitzvy
Music:Hollander - IllusionsSchubert - Death and the MaidenJ. Birkin - Je m'appelle Jane
I love finding new possibilities, pushing my own boundaries, blurring territories. I began exploring the diagonal and what it means: the body in space, space in the body. Moving between horizontal and vertical took me on a journey, following clues, negotiating other opposites. A strange personality emerged - another contradiction because i am not playing a character as such. I entered a world of mixed realities, something from the documentary Grey Gardens with its fusion of past and present, glamour and filth.Crumbs! marks an arrival, but not a terminus. One is only ever on a trail.

mercredi 26 décembre 2007

2 X 3 + 1 = 7









Biño Sauitzvy et Luciana Dariano / photo: http://www.on-line-dance.tv/






2x3+1=7
ou l’impossibilité de nommer les choses

Duo de danse/théâtre autour le l’autobiographie et l’autofiction. Troisième volet de la série des performances de danse/théâtre ayant comme point de départ la mise en scène de la mythologie personnelle du performer. Ici, c’est la rencontre de deux univers personnels qui font objet de la recherche. Premièrement la « rencontre » comme un possible « concept » pour la construction d’une performance autobiographique ; deuxièmement la « rencontre » de deux individualités comme la situation, la possible « dramaturgie » corporelle à développer, à créer « corps ». Cette recherche est la suite d’un processus initié dans la construction des performances de danse/théâtre « solo », « La Divina » et « H to H ». A partir de cette quête d’une possible création individuelle, nourrie des diverses influences d’autres artistes et processus de formation, artistiques et personnelles, créer un itinéraire progressif en tant que processus qui devient l’œuvre même. Trouver dans les conditions actuelles les directions, les pistes à suivre et qui deviendront la forme de l’œuvre d’art. Une œuvre qui est entre les allers et retours de ce qu’est pensé et qu’existe dans un imaginaire personnel et ce qu’est trouvé dans la réalité toute prête, ce que nous est donné comme les conditions de vie et de création. Ce processus parle du fragment en tant que forme indépendante, le morceau qui peut devenir un autre, qui peut faire partie d’un autre système, avec un autre, et ainsi, être et exister autrement.



Création, Chorégraphie et interprétation_ Biño Sauitzvy et Luciana Dariano
Costume et décor_ Biño Sauitzvy et Luciana Dariano
Régie de son et lumière_ Zé Ibaños et Fabiola Biasoli
Graphisme Sabah El Jabli
Année de création 2007/2008

Beckett, variations 1 2 3 / Geneviève Schwoebel



BECKETT, VARIATIONS 1 2 3

Geneviève SCHWOEBEL


LE CICEP : Dans le cadre du Printemps des poètes, vous avez présenté à Paris 8 un Beckett sous le titre de Variations 1 et 2. Quelle a été la nature de cette rencontre ? Quel type d’approche avez-vous mené face à une œuvre aussi singulière que celle de Beckett ?
Geneviève SCHWOEBEL : En effet, l’œuvre de Beckett déconcerte. Je parle de l’œuvre non dialoguée, celle de son dernier théâtre qui est au cœur des questionnements de l’art contemporain. Questionner Beckett revenait à questionner l’art contemporain. C’est, je crois la priorité que j’ai donnée à cet acte pédagogique et créatif avec des très jeunes étudiants de licence dans le cadre d’un atelier de recherche qui a abouti en juin dernier à la Variation 3. Dans les deux situations j’ai eu le sentiment de les immerger au sens chimique du terme dans un bain de l’art contemporain.
L’écriture de Beckett est si singulière qu’elle surprend et fascine à la fois. Comme l’art elle ne cherche pas à être claire, elle plonge dans l’obscurité même si la démarche de Beckett est précise et rigoureuse. « Arracher la farce » disait-il à son ami peintre Bram Van Velde qui comme lui n’a cessé de décrire le visage de ce qui n’a pas de visage, l’être humain confronté à son vide. « Je suis une tête » disait-il dans L’Innommable, « C’est peut-être ça que je sens, qu’il y a un dehors et un dedans et moi au milieu… » toute son entreprise a donc été de raconter ce qui se passait dans une tête, toutes ces voix, tous ces flux, ces secousses sismiques, ces micro-événements qui surgissent de part et d’autres de cette « cloison » que nous sommes entre le dedans et le dehors : « Je suis la cloison, j’ai deux faces et pas d’épaisseur, c’est peut-être ça que je sens, je me sens qui vibre ».
C’est à cette expérience de l’organicité que Beckett nous convie. Il nous place d’autorité dans un champ expérimental. Quand nous avons abordé « NOT I », écrit en 1972 d’abord dans sa langue d’origine : l’irlandais, puis traduit et publié en français aux éditions de Minuit sous le titre « PAS MOI », nous n’étions pas certains de lire la même chose et cependant la partition textuelle était imparable, elle résistait à toute interprétation consensuelle ; il fallait l’enfiler comme un gant, l’expérimenter par le corps, la voix, le souffle. Pourtant cette pièce annule toute visibilité du corps. Déjà le titre « PAS MOI » annonce une absence préalable de sujet, le personnage principal est réduit à une bouche ; c’est BOUCHE qui parle et qui débite dans le noir un flot frénétique de paroles.
Seule BOUCHE est éclairée « de prés et d’en dessous, le reste du visage dans l’obscurité. Microphone invisible. » Ce sont les quelques indices que nous donne Beckett (il supprimera très vite dans ses propres mises en scène l’auditeur de dos, encapuchonné). On sait seulement que la voix a commencé avant le lever de rideau « inintelligible dans la semi obscurité de la salle, elle faiblira et se taira avec le retour de la lumière dans la salle. » Cette figure donc d’un flux ininterrompu que BOUCHE ne peut endiguer, ce continuum, c’est cela même que Beckett met au centre de la scène.
Est-ce pour autant un théâtre pour l’oreille ? Comment représenter cela ? C’est la préoccupation essentielle que nous avons eu durant cette première expérience. Nous tournions autour du traitement à donner à cette langue et de la forme à imaginer pour dire cet irreprésentable. Passées les premières perturbations sur nous des effets chaotiques du texte, nous avons débouché da façon inattendue sur de véritables propositions.
LE CICEP : Est-ce que vous pourriez décrire certains étapes de ce travail ?
G. SCHWOEBEL : Nous avons commencé par faire un repérage systématique du matériau sonore et typographique du texte. La partition de PAS MOI est comme trouée, elle ressemble à ces messages codés des anciens télégraphes ; le texte défile par bribes, de façon saccadée avec ses arrêts, ses relances, ses suspensions, débris de son et de sens, incompréhensibles et saisissables à la fois. La langue de Beckett fonctionne comme des particules de langage dans un univers de mots.
Il fallait donc rentrer dans la langue, l’apprivoiser puis l’essayer. Certains ont enregistré leurs propres voix chez eux pour trouver leur débit, saisir les changements de vitesse de la langue, ses variations et ses ruptures. La langue de Beckett dénude l’acteur, elle est corrosive tant elle se débarrasse de toute psychologie, de tout appui théâtral. En voici un prélèvement :
« (…) Quand soudain elle - … quoi ?... le bourdon ?… oui… silence de tombe à part le bourdon… soi-disant… quand soudain elle sent venir des… des mots !... une voix que d’abord elle ne reconnaît pas… depuis le temps… puis finalement doit avouer… la sienne… (…) -… quoi ?... le bourdon ?... oui… tout le temps le bourdon… soi-disant… tout ça ensemble… imaginez !... tout le corps comme en allé… rien que la face… bouche… lèvres… joues… mâchoire… pas une -… quoi ?... langue ? (…) … quoi ?... le bourdon ?... oui… tout le temps le bourdon… grondement de cataracte… dans le crâne… et le rayon… furetant… sans douleur… jusque là… tout ça… pas lâcher… ne sachant ce que c’est… ce que c’est qu’elle-… quoi ?... qui ?... non… ELLE !... ce que c’est qu’elle essaie… (…) »
En même temps que ces tentatives de solo, nous avons tenté quelques expériences collectives sur le plateau, une sorte de partie concertante chorale qui permettait d’entendre les voix se chevaucher entre elles et s’entrecouper, formant à elles seules des lignes de perspective dans l’espace. Chacun s’est emparé d’une phrase, d’une série, ou d’un mot seulement, qu’il lançait à bon escient, dans l’écoute collective du texte afin de créer un espace sonore ; j’avais demandé à certains qui ne craignaient pas de tomber, de chuter irrégulièrement, de façon répétitive tandis que d’autres venaient interrompre le continuum du texte par le retour de cette phrase : « Quoi ?... Qui ?... Non… Elle ? » Loin de provoquer un espace cacophonique, cet essai a permis immédiatement de révéler la structure musicale du texte, d’en faire entendre le battement tout en faisant ressortir le matériel signifiant de la partition. Parallèlement un travail associatif sur l’image s’opérait… Nous avons beaucoup regardé les peintures d’un autre irlandais, Francis BACON, ses portraits de têtes déformées, bouches contorsionnées, oreilles effacées, une même façon d’envisager des coupes, des réductions, des fragmentations du corps.
Un groupe d’étudiants issu d’arts plastiques s’est intéressé à l’image, commençant à décliner des bouts de corps sur différents supports : photo, vidéo, super8, puis à chercher les types de surface où les projeter. Cela a abouti sur la durée à une performance :
Des images de paysages fragmentés – champ de tournesols – mêlés à des fragments de visages, œil, bouche, lèvres ; images de femme voilée et de fruits défilaient sur un écran tandis qu’un homme au visage caché par un papier plastifié, assis sur une chaise, éructait plus qu’il ne disait le texte, pendant qu’une femme en robe blanche dansait dans la pénombre sous l’effet des rythmes et saccades de la voix de l’homme.
Ils avaient écrit eux-mêmes une partition sonore pour tenter de raconter les voix qui s’entrechoquent dans le texte de Beckett et les avaient traduites par un travail de sons parasitaires qui s’achevaient par un silence prolongé suivi du chant d’un coucou.
Un autre travail d’abord simple exercice d’acteur est devenu un painting : une femme au visage bandé jetait son corps contre une toile blanche, ses mains traçant des traits noirs convulsivement, à l’arraché, comme si elle figurait toute la détresse du monde et par ses gestes, témoignait de l’infatigable obstination humaine ; dans la pénombre deux hommes tantôt par impulsions douces tantôt violentes scandaient le texte. Cette proposition m’est apparue comme une mise en abîme du travail créateur, comme le geste même de Beckett s’arrachant à l’écriture, à la fois épuisé par ce combat avec la langue et prisonnier de ce que Alain Badiou nomme chez Beckett « l’increvable désir » pour l’humanité.
Dans ce work in progress, très vite, le texte de Beckett PAS MOI est devenu un matériau et l’acteur, un performer puisqu’en s’appropriant un fragment l’acteur composait son propre espace.
Beckett nous a ouvert à la décomposition des moyens de la représentation propre à l’art contemporain : voix dissociée de la présence de l’acteur, écart entre le locuteur et le texte, une lumière pouvant tenir lieu de personnage tandis que l’acteur peut se trouver tapi dans l’ombre. Une nouvelle tension dramatique et émotionnelle s’est mise à charger la scène nous invitant à convoquer de nouvelles associations.
LE CICEP : Vous avez choisi pour titre le nom de VARIATION plutôt que le titre de la pièce de Beckett ?
G. SCHWOEBEL : Oui, c’est que la variation obéit à la fois à un principe de composition et à un processus pédagogique. Ici, le thème serait la pièce PAS MOI et les variations, toutes les propositions de représentation qui en ont été faites. J’ajouterai cependant qu’il ne s’agit pas d’un exercice théâtral qui proposerait plusieurs lectures – cela, je l’ai beaucoup pratiqué dans un travail de répertoire pour ouvrir le plus possible un texte et faire entendre qu’il n’y avait pas qu’une lecture ; cette liberté je la tenais d’un travail d’atelier que j’avais fait avec A. Vitez autrefois – Ici, comme je l’expliquais toute à l’heure, le texte PAS MOI dans son investigation formelle est vite devenu un matériau plus qu’une matière d’interprétation pour l’acteur ; dans les deux cas, il ne s’agit pas moins de s’appuyer sur la littéralité du texte, seulement le processus et la finalité sont entièrement différents. L’une aboutira sur une performance qui ne se mesure à rien d’autre qu’elle-même, elle-même proposant sa propre littéralité, l’autre conduira à une mise en scène de plus dans le champ des interprétations ouvertes du texte.
Ce qui m’a conduite à ce processus de la variation, c’est qu’elle était inscrite au cœur même de l’œuvre de Beckett. On pourrait dire sans trop généraliser que toute l’œuvre de Beckett est un grand poème de la Variation. C’est ce qui en fait la force musicale.
Aussi quand nous avons dû affronter l’écriture de PAS MOI, le caractère interminable, essoufflant, épuisant du flux de parole du texte nous est apparu insurmontable, personne ne voulait plus passer sur scène, j’étais en face d’une épreuve… déjà, du vivant de Beckett, la grande actrice Bilie Whitelaw première interprète à Londres de Not I, avait fait, selon le biographe de Beckett, de la privation sensorielle.
J’ai proposé que chacun revienne la semaine prochaine avec une phrase de son choix ou un fragment dont il ferait l’expérience – ce n’était pas long à apprendre, ils pouvaient s’en tenir à un simple travail d’oralité – je leur demandais cependant une courte dramaturgie imaginaire de leur projet selon qu’ils choisissaient une partition solo, à deux ou à trois, des voix du texte. Leurs propositions ne devaient pas excéder 7mn.
J’essayais moi-même un quintet devant eux en prolongeant une proposition rythmique que l’une d’elles avait faite très subtilement en juxtaposant un air de Hugues Le Bars : AREPO à la partition textuelle de Beckett, cela créait une drôlerie qui invitait au décollement.
Cette séance a été capitale, elle a déclenché quantités de permissions… J’avais rappelé le sacro-saint droit à l’erreur, indispensable à une prise de risques, indispensable aussi au sein d’une université où le savoir reste encore régnant.
Mais ce qui m’a guidé en réalité, c’est le bâti même de la structure du texte, la phrase de PAS MOI est construite dans un mouvement circulaire où la variation est au centre de la dynamique de la pièce ; ce mouvement crée une véritable tension dramatique ; or chaque boucle décline une trajectoire de vitesses, chacun pouvait donc entrer dans un cercle et y dessiner une forme… La variation inhérente à la composition devenait un principe directeur de déconstruction qui engendrait à son tour des combinatoires possibles… D’où cette démultiplication chorégraphique de BOUCHE que vous avez pu voir, lors du Printemps des poètes, avec les corps : Couché, assis, debout, renversé, lèvres rouges, que nous avions intitulé BOUCHE FOLLE, qui jouait avec le principe de la sérigraphie et le plaisir évident de la variation à l’infini…
LE CICEP : D’où la variation 2 et 3 ?
G. SCHWOEBEL : La variation 2 obéi davantage à des contingences de salle. Nous avions fait le pari avec d’autres enseignants chercheurs d’occuper plusieurs espaces à la fois pour célébrer ce Printemps des poètes 2003. J’ai donc accepté de présenter certaines de ces petites inventions dans le studio-théâtre. Il s’agissait donc d’avantage d’une transposition, d’un jeu avec la réduction de l’espace puisque le travail théâtral est né dans le grand espace de l’amphy 4.
En revanche plus que jamais le principe de la variation comme processus pédagogique a fonctionné dans la variation 3. Le corpus de l’œuvre était plus vaste et l’étude de Beckett plus systématique puisque nous étions dans le cadre d’un atelier de recherche sur cet auteur : nous nous sommes aventurés davantage sur l’espace sonore de l’écriture poétique de Beckett. Dès les premières séances, à l’écoute de différents textes que j’avais prélevés : Cap Au Pire, L’innommable, Berceuse, Pour en finir… la variation nous arrivait à l’oreille comme la musique intérieure de Beckett, ses glissements, ses substitutions, ses répétitions incessantes. Cette fameuse voix intérieure à qui Beckett avait fini par prêter une compagnie, nous lui avons trouvé à notre tour une chambre d’échos. L’espace du studio se prêtait très bien à ce type d’exercice ; nous l’avons utilisé dans sa littéralité avec ses lieux de réverbération sonore, sa chambre rouge où nous avons fait asseoir le public pour écouter Berceuse sur un mode confidentiel ; son carré rouge, façon design où dans l’espace triangulaire l’une d’elles avait placé un petit orchestre muet avec quatre pupitres en ferraille et un métronome et enfin le rideau rouge, pure anomalie théâtrale à l’endroit où il est placé, qui creusait une chambre obscure au centre, d’où s’élevait la voix, une voix différée venant d’un autre lieu.
La variation s’est mise en place dans le processus de fabrication de l’espace scénique qui à la manière de l’espace textuel, s’est mis, en se démultipliant, à composer ses propres déclinaisons et cadrages.
Quelqu’un m’a demandé si je mettrais Beckett dans les symbolistes ; ça m’a paru aussi incongru que de le mettre dans le théâtre de l’absurde. Beckett reste inclassable. Il détestait les catégories dans lesquelles on le mettait. Beckett confiait son œuvre de préférence aux musiciens et ses amis étaient peintres. Je crois que comme eux, il s’intéressait à la matière (celle des mots), au rythme, à la perception, à la pensée ; qu’il cherchait l’élémentaire un peu comme le décrit Oscar Schlemmer en 1928 dans ses réflexions sur le théâtre et l’abstraction où il tente de définir l’abstrait comme une opération de « simplification », de « réduction à l’essentiel », à « l’élémentaire pour opposer une unité à la multiplicité des choses » et ajoute-il « cela signifie la découverte du dénominateur commun, du contrepoint (non seulement en musique), de la loi dans l’art. (…) » et il continue, « comme la musique de J. S. Bach qu’il faut appeler abstraite parce qu’elle est disjointe (…) soumise à la mathématique et au contrepoint, (…) soutenue bien sûr par la grandeur d’une idée ». Y aurait-il donc une convergence entre la recherche de l’abstraction et l’art de la variation ?
Et quand, à propos de la danse, le même Schlemmer dit qu’elle doit « se suffire à elle-même » ne pourrait-on l’appliquer à Beckett qui en faisant de son théâtre une matière réduite à l’état brut dénude l’espace théâtral jusqu’à l’abolir, jusqu’à le réduire à la seule voix du poème et à son lieu d’origine, le silence.

article publié au « Cahier de Poétique » n° 9 du CICEP – Centre International Inter-Universitaire de Création d’Espaces Poétiques. Université Paris VIII

En trois temps : Attaches-peaux / H to H / Deux-Meurent







H to H / Photo Lika
Attachex-Peaux / Photo Lika
Deux-Meurent / Photo Lika
Attache-Peaux

Les attachements successifs sont-ils visibles dans notre peau ? Peut-on atteindre ses marques en la retournant ? Cette volonté de retournement semble habiter l’espace de création. Vouloir tendre à un sens dedans dehors, c’est viser l’infini où le corps dépasse de sa finitude. Le corps libéré de sa forme, n’est plus fixé par les limites de la peau. Il devient ainsi une créature ambiguë, oscillant entre la poupée et l’homme, l’humain et l’animal, le sujet et l’objet. Il peut être examiné, dans un temps qui semble ralenti. En effet, le temps du dedans paraît à contre temps par rapport au temps du dehors. Il a une durée qui perdure, où la mémoire reste, c’est la mémoire du corps. Mais comment la toucher ? Comment tenter le retournement du corps ?
Tout a commencé par un trou. Attache-Peaux tente d’approcher ce trou, ce creuset de la création. Nous sommes deux ; nous avons deux corps : un masculin, un féminin. Un performer et une plasticienne. Sommes-nous deux corps pouvant créer une peau commune d’un même dialogue ? Les évènements ne sont pas envisageables avant de les vivre. Lorsque nous nous engageons dans cette tentative, nous ne savons ce qu’il adviendra. Le corps de l’autre est étranger. Nous sommes étrangers l’un pour l’autre. Nous tentons la rencontre.
Elle commence le 22 décembre 2006, où deux actions débutent : le tricotage de la Cabane[1], et la représentation de H to H[2]. Les images du film sont récoltées à partir de cette date, sous forme de vidéo, de photographies et d’enregistrements de nos voix. De ce trou sort des peaux, une multitude de collants-peaux, car le collant est bien une seconde peau. Lui qui a accueilli un corps garde sa trace ; il a une mémoire de la peau portée, ou qui a porté. Une fois enlevés, les collants ressemblent à une peau retirée du reste du corps. Ils ont en commun le rétrécissement : en effet, la peau est élastique mais un morceau de peau détaché de l’ensemble, se rétrécit considérablement, comme le collant.
Ainsi les collants seraient-ils nos peaux usées, imprégnées de mémoire dont nous voudrions nous débarrasser ? Non, mais en les enlevant nous tentons de les comprendre. Savoir pourquoi à cet endroit, un évènement a marqué la peau, se transformant en plaie. Nous essayons de trouver les plaies qui ne sont pas cicatrisées. En effet, certaines plaies internes ne peuvent être soignées, car elles ne sont pas visibles ; il y a des plaies qui se referment d’elles-mêmes, mais d’autres ont besoin d’une couture, d’un point de suture, sans quoi elles re-saignent continuellement. Attache-peaux tente cette couture, par une fouille des plaies à soigner, car localiser les plaies est déjà un pas vers la guérison.
Nos deux corps semblent former une peau commune. Nous n’avons pas le même corps, pas le même sexe, pas la même histoire, mais nous dialoguons. C’est peut être ces dissemblances entre nos corps qui permettent cette peau, qui n’est pas une fusion, mais un échange, un dialogue à travers des gestes et des paroles. Lorsque nos deux corps sont en scène, dans un même espace, ils apparaissent en mouvements filmés (vidéos), sans parole : les corps se déplacent, dans un temps modifié, manipulé. La durée est en effet accélérée et les corps semblent devenir des marionnettes. Ils sont exposés, mis en péril dans le dehors. Le langage, les mots réapparaissent lorsque les images se succèdent sous forme photographiques : elles font renaître un mouvement saccadé. Le seul temps réel dans le film est celui de la parole. Nous discutons tous deux, sur les préoccupations artistiques qui nous rassemblent et nous dissemblent : la peau, le corps, le rouge, le tricot, la chute, etc. Ces moments révèlent des discussions intimes, protégées, dans le dedans. Le spectateur est celui qui peut donner un sens.
Le collants se déplient, se plient, se re-déplient, se re-plient pour tenter de comprendre cet attache-peaux. Mais où se trouve l’attache ? Pourquoi n’y a-t-il pas d’attache ? Nous aurions du prendre des porte-jarretelles, cela aurait simplifié la tâche. Mais elle aurait été faussée, car d’attache physique, il n’existe pas. L’attache c’est nous. Elle est nous, elle est en nous. Nous attachons nos propres liens. Nous pouvons déplier notre corps entièrement, point d’attache nous trouverons. Seulement des organes dépliés dans l’espace. Notre cerveau peut être déplié lui aussi, retourné, observé, exposé, rien de ses attachements ne seront visibles. Ils sont comme ancrés en nous, dans les interstices invisibles des pores de la peau, du souffle de la vie. Notre vie est cet attache-peaux.


H to H

Occuper le vide. Le vide du corps ? Mais le vide ne contient rien, ni objet, ni matière. Ainsi le corps serait vide ? Impossible car il est plein. Tout est plié, replié sur lui-même. Mais si ce vide existe dans le corps comment y accéder ?

Un corps tombe. Je ne l’avais remarqué. Il était assis dans un coin sur une valise. Je le regarde, le filme. Il, est un homme, vêtu d’un costume noir, d’une chemise blanche et de grosses chaussures bruyantes. Il rechute. Je m’en aperçois alors qu’il paraît chuter en lui-même. Tout est lié. Le dedans et le dehors montre le même visage. Je crois tout d’abord qu’il tente de se débattre dans une lutte avec lui-même, un corps à corps. Mais je comprends ensuite, qu’il se laisse chuter pour comprendre sa chute. Il pense son corps pensant. Il y a une réverbération de ce corps tombant qui est bruyant, avec ses lourdes chaussures. Il s’effraie de son écho, mais tente tout de même de s’approcher de l’abyme inquiétante de son corps.

Puis, tout s’accélère. Il prend sa valise et l’installe près de lui. Une musique s’éveille et une femme mélancolique se met à chanter. Il commence à enlever « ses peaux », où couches qui protégeaient son corps. Il y en a beaucoup. Il enlève sa veste, ses collants, ses caleçons, etc. Il passe de l’habit masculin au féminin. Il se dénude ne laissant qu’un vêtement intime. Tout est contenu dans ce corps-souvenir, corps-mémoire. Il tente la traverser par le trou en se servant de prothèses (ballons de baudruche remplis d’air, de liquide rouge) sur son corps mis à nu. Les « pans » successifs, au nombre de quatre amènent le rouge à la surface, l’envahit, le submerge. Ils sont violents, et apparaissent par bribes rapides. Un temps interrompt, c’est le noir du film. L’homme réapparaît affaibli, fatigué. Alors, il décide de soigner, de panser ses plaies. Il prend de la viande congelée, très froide. On entend le bruit du scotch qui enroule son corps comme un objet. Il panse ses pensées, il recouvre les failles corporelles. Puis, il tente de se ré habiller, comme si rien ne c’était passé. A ce moment tout paraît revenir dans le bon ordre ; mais les habits voltigent autour de lui, comme s’ils ne voulaient revenir. Il repart s’asseoir sur sa valise, la tête bandée, le corps meurtri. Il est épuisé. Il attend la prochaine fois. Une phrase de Samuel Beckett semble inspirée cet éternel recommencement :
« Essayer encore. Rater encore. Rater mieux. »



Deux Meurent


Le jeu permet en effet, d’aborder « des univers grinçants sans risquer de perdre les dents ». Il repousse les limites, en créant de nouvelles règles, de nouveaux enjeux à chaque création. Nous jouons à deux, pour la troisième fois. Jouer à deux permet de trouver davantage de jeux, que nous élaborons au fur et à mesure. A la suite d’Attache-peaux nous avons voulu continuer à trouver ensemble. Alors, Lika propose à Biño de jouer à partir de la Cabane. Elle était prête pour l’assemblage, mais je ne savais encore comment l’habiter.
Nous nous donnons rendez vous à deux dates précises : celles du 4 et du 11 mai, qui correspondent à nos anniversaires respectifs.[3] Un mètre est nécessaire pour mesurer les 1,73m2 de la cabane. Nous découvrons alors que nous mesurons la même taille. C’est étonnant et cette nouvelle règle va jouer dans le processus de création. Nous prénons en compte la loi de l’homme vitruvien de Léonard de Vinci.
Notre taille et l’envergure de nos bras ont une mesure identique. Notre espace vitale semble ainsi tenir dans un carré (position debout ou couchée). Nous jouons avec la mesure. Un espace blanc nous attend ; la mesure est au milieu, séparant cet espace en deux. Tout est au sol. Nous passons chacun notre tour puisque le carré est celui d’un corps, et non les deux ensemble.
Lors de la deuxième séance, nous disposons les carrés de tricot. La mesure sert à délimiter les bords. Quatre carrés aux quatre coins de l’espace. La Cabane est en train de naître. Comme un puzzle sans image, nous plaçons les carrés dans l’espace défini. Ils sont de tailles différentes, ainsi le jeu est de constituer un carré à partir de fragments carrés. Nous y arrivons. Nous sortons le fil, les aiguilles et assemblons les fragments. A ce moment, nous ne savons pas qui va habiter cet espace en fabrication. La structure de la Cabane est construite mais il faut nous séparer.
Une troisième séance est nécessaire. Il est alors question que ni lui, ni moi, n’habitons cette demeure. Une troisième voie prend place. Nous voulons créer une héroïne entre univers enfantin et féminin, entre conte de fée et univers mystérieux tels ceux du réalisateur David Lynch. Nous amenons chacun des objets qui correspondent à nos univers. Mais comment arriver à cette héroïne au visage inconnu ? Un autre jeu se met en place. Nous plaçons chacun notre tour un objet à un endroit précis sur l’assemblage rouge. Lorsque tous ont été déposés, nous regardons attentivement le tableau puis défaisons l’ensemble. Il prend mes objets et je prends les siens. Arrive la mémoire visuelle. Où avais-tu placé l’objet ? A travers ce jeu, nous inversons nos corps, tentons de comprendre la spatialité du corps de l’autre. Pourquoi, avait-il placé l’objet à cet endroit et non à un autre ? Le corps de l’héroïne apparaît à travers ses objets futurs. Elle prend corps à cet instant, comme s’il ne manquait plus que la chair.
L’héroïne va ainsi être l’incarnation de nos mémoires respectives, à travers laquelle nos « demeures » vont prendre corps. Au sortir de la poche aura-t-elle une survie ? Etre cousu, rassemblé de nos deux failles seras-tu un pansement de nos deux peaux ouvertes au vent ? Tu sembles en tout cas être un transfert-abri de nos peaux trouées. Ainsi, l’abri serait dans l’autre, autre créé à travers le jeu. Cet autre qui est le double de moi au moment de la création selon Julia Kristeva, serait donc le double de nous. Elle serait double, être féminin et masculin, elle aurait les deux sexes. Elle serait complète, recousue selon le mythe du corps coupé de Platon. Une nouvelle voie semble s’ouvrir à partir de cette rencontre en trois temps, une boucle semble bouclée laissant place à un nouveau cycle.



Deux Meurent
Réalisation et Montage : Lika (Aurélie Guillemot)
Performer : Biño Sauitzvy
Images et Photos : Lika
Durée : 10 min.
France, 2007


Attache-Peaux
Réalisation et Montage : Lika (Aurélie Guillemot)
Performer : Biño Sauitzvy
Images et Photos : Lika
Collaboration suivie par : Geneviève Schwoebel
Durée : 10 min
France, 2007


H to H
Réalisation et Montage : Lika (Aurélie Guillemot)
Création et Performance : Biño Sauitzvy
Images : Lika et Zé Ibaños
Assistance Chorégraphique : Luciana Dariano
Durée : 5 min
France, 2007


Textes écrit par Lika, 2007.

[1] Performance de Lika, plasticienne. Pendant tout l’hiver 2007 elle a tricoté un carré rouge par jour et s’est pris en photo tous les jours. A la fin de la saison, elle les a rassemblé (les carrés étiquetés), et cela a donné l’origine à une cabane qui faisait sa taille. L’œuvre fait partie de son exposition « Matrimoine ».
[2] Performance de Biño Sauitzvy, performer. Deuxième volet sur la Mise en Scène de la Mythologie personnelle du performer et premier des concepts contemporains pour la construction de la performance autobiographique. Performance danse-théâtre présentée en France, Pologne et au Brésil, 2007.
[3] Le jour de notre naissance est particulier. On semble attendre quelque chose qui ressemble à nos souvenirs d’enfance, où tout était prévu. Au lieu d’attendre le miracle, nous avons décidé de le créer.

H to H












Biño Sauitzvy / photos: Carlos Carvalho

« H to H »
Un Solo de Biño Sauitzvy


Deuxième volet de la recherche sur « La mise en scène de la mythologie personnelle du performer » et premier sur des « concepts contemporains pour la construction scénique de la performance autobiographique ».H to H : remplacer les mots du titre de la chanson de David Bowie, «Ash to ash» pour la lettre qui garde le phonème en français. Des cendres aux cendres. Mourir pour renaître. Le sens premier est retenu, mais caché derrière le deuxième sens : H de l'hommage et H de l'héritage. Un hommage à PinaBausch, La Ribot, Susanne Linke, Kafka, Beckett, Deleuze, Cindy Sherman entre autres, comme des formateurs et porteurs d'un discours qui devient, par emprunt, celui du performer. Rendre hommage à ceux qui ont fait de leurs discours une traduction du « leur moi » personnel, du quels je suis l'héritier.On n'emprunte que ce qui est déjà « empreinte » en nous.
La traduction par un corps masculin féminin dans son écart invente ici une sorte de figure qu'on pourrait appeler « transgenre », quelqu'un qui cherche un devenir à travers l'agencement de son individualité et ses multiplicités. Si c'est tellement difficile, être « comme » tout le monde, c'est qu'il y un affaire de devenir.
Devenir, c'est, à partir des formes qu'on a, du sujet qu'on est, des organes qu'on possède ou des fonctions qu'on remplit, extraire des particules, entre lesquelles on instaure des rapports de mouvement et de repos, de vitesse et de lenteur, les plus proches de ce qu'on est en train de devenir, et par lesquelson devient. C'est le processus du désir, dans une zone de voisinage ou de co-présence. Il invoque une zone objective d'indétermination ou d'incertitude, « quelque chose de commun ou d'indiscernable », un voisinage « qui fait qu'il est impossible de dire où passe la frontière de l'animal et de l'humain ».
Trouver d'autres devenirs et d'autres possibilités contemporaines hors du corps programmé.
Depuis toujours, les rites de travestissement, et aujourd'hui le travesti, à travers ses devenirs, appartiennent à une machine de guerre spécifique. Ils déclenchent des devenirs qui se communiquent dans des enchaînements et déchaînements. L’art et la sexualité sont des productions de mille sexes, qui sont autant de devenirs incontrôlables. Ils passent par le devenir-femme de l'homme et le devenir-animal de l'humain.
Cet agencement ne comporte pas une infra-structure causale. Il comporte une « ligne abstraite » de causalité spécifique ou créatrice, une ligne de fuite, de déterritorialisation, qui ne peut s'effectuer qu'en rapport avec des causalités générales ou d'une autre nature, mais qui ne s'explique pas du toutpar elles.

Le mouvement cesse d'être le procédé d'une déterritorialisation toujours relative, pour devenir le processus de la déterritorialisation absolue : que le mouvement de l'infini ne peut se faire que par affect, passion, amour, mais sans référence à une « méditation » quelconque ; et que ce mouvementcomme tel échappe à la perception médiatrice, puisqu'il est déjà effectué à tout moment, et que le danseur, ou l'amant, se retrouve déjà « debout en marche », à la seconde même où il retombe, et même à l'instant où il saute.
Sauter d'un agencement à autre en multipliant les « plans de vie » dans un seul plan qui comprend ses vides et ses ratés, ses sauts, ses tremblements de terre et ses pestes. Un plan qui n'est pas principe d'organisation, mais moyen de transport. Aucune forme ne se développe entièrement, aucun sujet nese forme complètement, mais des affects se déplacent, des devenirs se catapultent et font bloc.
La question est d'abord celle du corps - le corps qu'on nous vole pour fabriquerdes organismes opposables. Une expérimentation contre toute interprétation, et où le silence comme repos sonore marque aussi bien l'état absolu du mouvement.




« C'est toujours un Autre qui parle, puisque les mots ne m'ont pas attendu etqu'il n'y a pas de langue qu'étrangère. Epuisé depuis longtemps sans qu'onle sache, sans qu'il le sache. L'Autre et moi, sont le même personnage, la même langue étrangère, morte. Des limites immanentes qui ne cessent de se déplacer, hiatus, trous ou déchiru res dont on ne se rendrait pas compte, les attribuant à la simple fatigue, s'ils ne grandissaient pas tout d'un coup de manière à accueillir quelque chose qui vient du dehors ou d'ailleurs. Une image qui arrive mal à se dégager d'une image souvenir. La cruauté des voix ne cesse de nous transpercer de souvenirs insupportables, d'histoires absurdes ou de compagnies indésirables. »DELEUZE





« Il faudrait arriver à parler d'eux, mais comment y arriver sans s'introduire soi même dans la série, sans « prolonger » leurs voix, sans repasser par eux, sans être tour à tour Murphy, Molloy, Malone, Watt… etc., et retomber sur l'inépuisable Mahood ? Ou alors il faudrait que j'arrive à moi, non pas comme à un terme de la série, mais comme à sa limite, moi l'épuisé, l'innommable, moi tout seul assis dans le noir, devenu Worm, « l'anti-Mahood », dénué de toute voix, si bien que je ne pourrais parler de moi qu'avec la voix de Mahood et ne pourrais être Worm qu'en devenant Mahood encore. Combien sommes-nous finalement ? Et qui parle en ce moment ? Et à qui ? Et de quoi ? Plus d'histoire, depuis longtemps.» BECKETT




La performance ici se fait à partir de l'utilisation de la mythologiepersonnelle du performer, ainsi que les influences sur son processuspratique de création. Ces références ont été à l'origine de son gestecréatif. Elles ont ouvert la possibilité de regarder à l'intérieur de lui-mêmeles chocs qui ont créé des itinéraires pour ensuite les accepteren tant que matériau pour sa propre création artistique. Les créaturesfragmentées, coupées, morcelées, obsédées, condamnées à existerdans un monde extérieur hostile et dangereux chez Beckett, parexemple. Ces êtres inhumains dépourvus du droit d'action ouconscients de l'inutilité de la même, confinés et livrés dans un mondeintérieur de la pensée et de la rêverie éveillée. L'action de la penséecomme la seule issue et possibilité d'existence. La blessure qui créedes métamorphoses et la souffrance personnelle qui peut devenir unacte créatif transformateur.
Le travesti devient la création d'un personnage auto-fictif, d'unefiction de « moi-même », un personnage-reflet qui est à l'origineambigu et entre deux mondes, le masculin et le féminin. Il devientainsi un porteur de drame et de conflit et crée son propre moded'existence dehors les normes et catégorisations de la société. C'estl'autobiographie qui prend sa forme selon son propre processus à lafois empirique (work in process) d'une esthétique propre et recueilledes images du passé.
A partir de l'expérience des états de trauma comme source dela création, on s'approche du concept qu'il n'y aurait pas de différenceentre l'artiste et sa vie. L'expérience de la mort (du trauma) éveillela conscience et devient ainsi la « contre-image » d'une consciencevivante. Celle-ci ne peut être atteinte qu'à travers des processus demouvement et des métamorphoses qui eux-mêmes sont de processusde revitalisation. Cela exige une perception du travail en tant quework in progress et un regard sur l'art en tant que geste ou actionartistique. Cet accent sur le processus et sur l'action met en reliefla personne qui joue dans un temps et un espace précis.
Pour « agir » au lieu de représenter, le performer ici utilise son propre corps comme véhicule de son message. Le corps de l'artiste passe alors à la condition d'œuvre d'art. Dans ce contexte il peut être porteur d'autres contenus ou formes venus d'autres disciplines artistiques. Cette contamination des disciplinesartistiques amène le performer à de véritables processusd'auto investigation. L'investigation du comportement et des gestes dela société, plus celle de l'espace intermédiaire entre l'art d'un artisteet sa vie privée, s'est convertie au contenu même d'un grand ensembled'œuvre auquel on fait référence comme « autobiographique ».
La performance, compte tenu de sa propre nature, échappe à unedéfinition exacte. Elle dépasse la simple définition qui la désignecomme un art vivant fait par les artistes. Quelque définition plus strictenierait de façon immédiate la possibilité de la propre performance.





Mise en scène, création et interprétation_ Biño Sauitzvy
Participation_ Thomas Laroppe
Décor et costume_ Biño Sauitzvy et Lika Guillemot
Collaboration artistique_ Lika Guillemot
Assistance chorégraphique_ Luciana Dariano
Production_ Collectif des yeux
Lumière_ Claudia de Bem
Régie et technique_ Zé Ibaños
Photo_ Lika Guillemot
Graphisme_ Sabah el Jabli
Durée_ 60min

Soutien_ FSDIE - Université Paris VIII







La Divina















Biño Sauitzvy / Photos Fernanda Chemale
Un solo intime et inclassable
de Biño Sauitzvy

Inspirée du travesti Divine de Jean Genet,
la Divina est née de la rencontre des mots de l'auteur et de l'univers personnel du performer. C'est ce dernier qui cherche le point d'équilibre entre l'ironie tragique et ludique, le point instable qui l'amène vers un absurd e presque grotesque. La cruauté du besoin insatisfait d’amour, la différence des sexes et des désirs, l’incommunicabilité, l’éternel besoin d’être aimé, la quête de son indentité dans un monde individualiste.
Théâtre gestuel, performance, danse : La Divina existe lorsque la réalité donne la vie à sa propre fiction, là où les rêves, la mémoire, le désir et la pensée sont les "ouis" aux "nons" de l'existence réelle quotidienne.

Théâtre gestuel
à la lisière de la danse et du cirque contemporain.
Le corps de l’acteur est l’outil de travail pour la construction d’une narration sans parole.
Jamais un mot n’est prononcé, seulement quelques cris. Un mutisme comme si ce corps a
été réduit au silence, comme si c’était trop difficile à raconter avec la parole qui prend ici
littéralement corps. Une performance physique d’un corps en tension, léger puis pesant, qui
chute et tombe avec fracas.
Une malle s’ouvre, on découvre un corps emboîté, il symbolise un enfermement, le carcan
d’une société des corps et des comportements imposés; c’est ainsi que des couches de
vêtements masculins sont enlevés à la quête d’une nouvelle identité. Cet homme dans des
vêtements de femme, le transgenre, le personnage du travesti re p rend les clichés des reines
de beauté pour les déconstruire, car derrière les apparences, le maquillage et les masques
de la séduction il y a la souffrance, les drames quotidiens.
Entre chaque tentative de transformation, le corps du performer devient soudain comme
sans vie, passif comme une poupée que l’on déshabille, rhabille et manipule. Les tenues,
accessoires sont comme des prothèses servant à la construction conflictuelle du corps
intime et social. La douleur est à l’origine de la métamorphose de cet être ambiguë, entre
le masculin et féminin, qui cherche son identité dans une société où les rôles sont imposés.
Le personnage re p roduit une gestuelle féminine séductrice accentuée à outrance, des comportements
codés. Il crée une auto-fiction où tout bascule : l’agonie de la figure de la pin-up,
un jeu sur les limites et dérapages. Entre le monstrueux et sensuel, humour, dérision,
tragique, poésie, force, grotesque. Et puis il y a la musique, ces chansons d’amour tristes,
lancinantes qui ponctuent, et s’entremêlent commes des phrases d’une histoire tourmentée.
Des circonvolutions sur une chaise qui devient la métaphore d’un partenaire absent. Par la
proximité troublante avec le corps du performer, il est difficile de prendre ou de garder sa
distance.

Interprétation_ Biño Sauitzvy
Mise en scène_ Atsutoshi Hatamoto et Biño Sauitzvy
Participation sur scène_ Antony Hickling et Luciana Dariano
Création, chorégraphie, décor et costume_ Biño Sauitzvy et Nando Messias
Assistance chorégraphique_ Grazia Capri et Luciana Dariano
Lumière_ Claudia de Bem
Musiques enregistrées_ Jacques Brel, Edith Piaf, Vincent Gallo, Billie Holiday, Peggy Lee
Graphisme_ Sabah El Jabli
Durée_ 60 min
création 2005/2006

le collectif des yeux

Biño Sauitzvy / "H to H" photo: www.rybnik.com.pl/fotogaleria,teatr,fot1-3.html.


Collectif: 1. Qui concerne un ensemble de personnes. 2. Equipe, groupe ayant un objectif commun.
Yeux : œil : Organe de la vue. Partie visible de l’œil. Des yeux brillants. Loc. Pour les beaux yeux de qqn, par amour pour lui. Faire les gros yeux à qqn, regarder d’un air sévère. Ouvrir l’œil, être vigilant. Fermer les yeux sur qqch, faire (par tolérance, etc.) comme si on n’avait pas vu. Les yeux fermés, en toute confiance. Voir qqch. de ses (propres) yeux. Loc. A L’œil nu. Sortir par les yeux à qqn, être écoeurant par la répétition. Regard. Chercher des yeux. Mauvais œil : regard réputé porter malheur. Coup d’œil : regard rapide. Le coup d’œil : le discernement. Vue qu’on a sur un paysage. Attention portée par le regard. Cela attire l’œil. Avoir qqn à l’œil, le surveiller. Disposition, état d’esprit, jugement. Voir qqch. d’un bon œil, d’une manière favorable. Un œil critique. Aux yeux de qqn, selon son appréciation. Faire de l’œil à qqn, des clins d’œil. Tourner de l’œil, s’évanouir. Je m’en bats l’œil, je m’en moque. Entre quatre yeux (entre quatre-z-yeux), en tête à tête. Œil pour œil, dent pour dent, expression de la loi du talion. A l’œil : gratuitement. II. 1. Œil de verre, œil artificiel (prothèse). 2. Œil électrique, cellule photoélectrique. III. 1. Ouverture, trou, espace rond. 2. Bourgeon naissant. 3. Centre d’un cyclone (zone de calme).
Fonction et objectif : Créer un espace de production interdisciplinaire, une transversalité entre les arts. Rendre possible la création individuelle dans une optique de l’art contemporain. Ainsi, à partir de l’existence de plusieurs individualités, de leur collaboration, de l’art comme une nécessité, créer un collectif créatif et productif.